Le virus tue trois fois, la première biologiquement, la seconde économiquement, la troisième psychologiquement.
« Depuis le début du confinement imposé contre l’épidémie du Codiv-19 en France, les violences conjugales ont augmenté de 32% » et l’activité économique a baissé de 35% selon l’INSEE. Augmentation et chute sont dans des proportions comparables, bien que diamétralement opposées. C’est leur seule similitude, la différence tient au mode de prévention. Pour la sauvegarde de l’économie, l’État va engager les finances publiques dans une dépense de plusieurs milliards. Pour la protection des femmes, il préconise que les victimes puissent « donner l’alerte dans les pharmacies ». La mesure n’est pas inutile, mais certainement pas suffisante et elle reste au niveau de la prévention tertiaire. Une démarche de protection au niveau des sources aurait eu plus d’influence salvatrice. Le différentiel d’engagement de moyens signe une grande inégalité de considération en défaveur du destin des femmes. Sur le fond, cela fait apparaître une cécité chronique sur le fait que la situation obligée de confinement engendre des déséquilibres psychologiques surtout pour les personnes en état de vulnérabilité. L’isolement, caractéristique de cette situation, prive les plus fragilisés d’un autre espace, d’un ailleurs plus bienveillant. L’enfermement dans un lieu de souffrance alimente la solitude et la détresse des êtres victimes de violence sans le secours d’un autre regard, d’une personne qui puisse porter assistance. Le confinement de par les conditions de vie qu’il impose entraîne dans certains cas de graves conséquences d’atteintes de la santé des personnes, au travers de la dégradation psychologique. Les femmes ne sont pas les seules victimes de cette exposition à la violence, car si les médias informent discrètement sur la violence conjugale, ils se taisent notamment sur l’accroissement de la maltraitance infantile pendant cette même période. Cette orientation de la communication et sa saturation en boucle sur le négatif du risque biologique, fait écran à d’autres dimensions tout aussi honorables sur le plan humain.
Quelle catastrophe supplémentaire faudra-t-il pour opérer une prise conscience sociétale et que s’ouvre enfin une nécessaire et éthique prévention psychologique (primaire) pour tout être humain ?
L’économique est également mal servi en la matière, le confinement au niveau de la nation crée une rupture rapide de l’activité économique, la chute de 35% en témoigne, mais la levée de la claustration de la population active ne va pas déboucher sur une reprise facile. En plus des problématiques organisationnelles et de production, les séquelles laissées par cette période plus que pénible pour certains vont constituer de sérieux freins à l’effort de relance.
Chacun peut facilement comprendre que tous ces déséquilibres psychologiques vont largement fragiliser ces personnes atteintes, les freiner, voire les empêcher de la possibilité d’être des contributeurs aussi efficaces qu’ils l’étaient avant la crise de l’épidémie. Même si la période actuelle pèse sur notre moral, notamment au niveau de l’anxiété, il semble aussi raisonnable de préparer l’avenir proche, celle de l’après-confinement.
De retour au travail, comment aider ces personnes en situation de vulnérabilité ?
Au-delà des mesures déjà en place dans les établissements avec les services de Ressources Humaines et ceux du médicosocial, il sera pertinent d’engager des démarches supplémentaires de soutien tant sur le plan individuel que sur le plan collectif. Les managers, confrontés à des situations difficiles, devront être mieux armés sur le plan des compétences relationnelles et de soutien, pour éviter de n’offrir que des réponses favorisant l’inflation des conflits et la démotivation des collaborateurs. Le renforcement de la qualité de vie au travail pourra trouver tout son sens, permettant aussi à ces personnes de trouver des satisfactions venant compenser les déficits de la sphère privée et contribuer à une meilleure régulation émotionnelle. C’est un investissement qui aura des retombées positives sur l’organisation du travail, non seulement sur le plan humain, mais aussi sur le plan économique, ne serait-ce qu’au titre de la prévention des risques psychosociaux et de la réduction de l’absentéisme.